Depuis la fermeture du Châtau de Belmont, la cuisine de Jean Bardet manque à la capitale Ligérienne... Quelques heureux privilégiés ont pu retrouver, non loin de Tours, à Joué les Tours, le clône miniaturisé de Belmont dans lequel Jean et Sophie Bardet prennent une retraite active, entourés d'un zoo improbable (Hugo, Baccarat et à ses heures l'improbable George) et d'une basse-cour naissante, comptant deux poules, deux oies (depuis la regrettée disparition d'un Jars, qui a fini en terrine...), quelques canards (dont un spécimen à l'anatomie improbable)... Retraite active (notamment aux côtés d'Alice, et son restaurant du centre de Tours (La Famille by Bardet), et retraite active aussi car Jean et Sophie reçoivent leurs amis avec une générosité détonante dans une atmosphère familiale parfois improbable, et Jean de cuisiner, gourmand et inspiré, dans l'impériosité de l'instant, autour de quelques flacons éblouissants.
Au chapitre des vins, Honneur au Vouvray Clos de Nouÿs dont le 1921 sera certainement le seigneur absolu de ce week-end, toujours présent, ayant paisiblement consommé son sucre dans le Tuffeau de la maison de Vouvray depuis quelques 91 années... paisiblement allongé, sans bouger, lui permettant ainsi d'exprimer plus que cette impressionnante maturité, une complexité d'arômes, une stature improbable... et de suivre au déjeuner, le lendemain, deux autres beaux spécimens ("des gamins en quelque sorte") : 1952 (très droit, très sec) et 1954 plus ample, conservant encore un brin de résiduels perceptibles : formidables flacons !
Honneur aussi à Thomas Bassot, ce fantastique alcoolique Bourguignon dont les Gibriaçois rappellent volontiers qui a fini par "boire son domaine"... fantastique alcoolique mais aussi génial viticulteur dont nous aurons bu au fil des ans, grâce à Bardet, les Griottes Chambertin, les Chapelle Chambertin et cette fois le Nuits Saint Georges 55... un beau millésime, qui lui aussi dort dans le Tuffeau depuis 35 ans, ce qui lui confère une vigueur impressionnante, une présence improbable pour un Pinot de bientôt 60 ans... Une très belle bouteille dont Jean souligne avec un brin de malice qu'il y avait en son temps probablement un peu de mascara d'Algérie pour "donner du tanin" à ces vins Bourguignons... Qui sait... Toujours est-il que sur ce coup là, c'est bien à un immense Pinot que l'on a affaire !
Beau Château Clinet 2007, dégusté jeune (les Bordeaux comme les aime Bardet, sans laisser le temps au temps d'en arrondir les tanins) : encore sur le fruit, puissant et joliment fait, bel exemple du Merlot parfaitement bien établi. Une bouteille que l'on aurait volontiers laissé paisiblement en attente une petite demi-douzaine d'années encore.
Gevrey Chambertin, Jean-Michel Guillon, Cuvée Alexis 2009 : évidemment beaucoup trop jeune, ce sera certainement "une grande bouteille" et l'on trouve déjà tout ce que sait faire la "patte" de JM Guillon, tout ce qu'il faut pour construire un grand vin de côtes de Nuit, le Pinot dans toute sa splendeur qui fait une fois encore regretter l"incommunicabilité de ce viticulteur qui veut absolument ne pas vendre son vin...!
Le Puligny Montrachet d'Antonin Guyon, sur un millésime plus jeune (2009) sera franchement "un peu court", qu'il soit dégusté en première ligne ou au milieu du repas... et les vins Ligériens seront de belle facture : un très beau magnum 2003 de chez Pierre Caslot (Domaine de la Chevalerie, Les Busardières), un étonnant Touraine "Cuvée de Fié Gris" 2010 (un cépage intéressant aussi atypique que certains pinots gris)... Un joli magnum de Chinon... Nous avons su résister à la gnôle, mais le Chef était insistant...
Et au piano, ce sera tout simple et tellement bon... d'aucuns évoquent avec une voix tremblante les cocos de paimpol qui accompagnaient le tout simple gigot d'agneau, d'autres l'épaule de faon (navets et épinards), l'extraordinaire (tellement classique mais gourmande aussi) assiette d'asperges blanches de Bourgeuil, sauce hollandaise (une tuerie)... ou l'improvisation sur le thème du pain perdu au caramel, fraises poêlées, survenue à la fin du dîner avec une impériosité gourmande... irrépressible et délicieuse !
Beaucoup mangé, Beaucoup bu (comme toujours avec Bardet qui n'a de sens qu'en démesure), visité le marché de Joué les Tours (pour faire les courses du dimanche matin "avec le Chef"), visité aussi le restaurant d'Alice, passé des heures à table pour terminer avec un roulement de tambour et un coup de clairon en cave... Un week end splendide ! Et un immense Merci aux amis Bardet.